J'en reviens à ma question*, dit l'Ecolière. C'est qui, aujourd'hui, l'ennemi prioritaire ? Car, n'est-ce pas, on ne peut pas se battre sur tous les fronts. Ce n'est pas possible. Je vais te répondre, dit l'Ethnologue. Quand Carl Schmitt parle d'ennemi prioritaire, il veut dire par là que sur la masse de tes ennemis, réels ou potentiels, il y en aura toujours un qu'il faudra traiter en priorité : en priorité, parce qu'il représente pour toi la plus grande menace, celle te faisant courir les plus grands risques. L'ennemi prioritaire, c'est lui. Maintenant, on peut très bien avoir deux ennemis prioritaires, deux ennemis aussi prioritaires l'un que l'autre. C'est tout à fait envisageable. Et même trois, cela arrive. Aujourd'hui, tu as deux ennemis prioritaires, il est relativement facile de les identifier. Il te faut donc penser aux deux à la fois. Ils font aujourd'hui cause commune, mais ce n'est pas le même ennemi. Ils sont deux, et non un. Après, quand tu me dis qu'on ne peut pas se battre sur tous les fronts, je te réponds qu'on ne fait pas toujours ce qu'on veut dans la vie. Est-ce qu'on peut ou non se battre sur deux fronts ? En l'occurrence, tu n'as pas le choix. Evite, autant que possible, d'être prise en tenailles, ça surtout. Régulièrement, les gens se font piéger, certains lycéens, par exemple, lorsqu'ils défilent dans la rue pour ceci ou cela. Les gardes mobiles les passent d'abord à tabac, avant que ne surviennent les "petits chéris". Eux terminent le travail. Pense à ta santé. De telles scènes sont emblématiques. Elles résument, en plus petit, ce qui, aujourd'hui, un peu partout en Europe, s'observe à une beaucoup plus grande échelle.
* Voir "Seule", 20 novembre 2015.