1/16/2007

Des airs absents

Les gens ne sont pas aveugles, dit l'Avocate. Tout ce que tu vois, les autres le voient comme toi. En revanche, ils ne tiennent pas à ce que cela se voie. Ils ne veulent pas, si tu préfères encore, qu'on voie qu'ils le voient. Ni par conséquent non plus qu'on voie ce qu'ils pensent lorsqu'ils le voient. Car, bien sûr, cela aussi se voit. Or, justement, ils ne le veulent pas. Ils ne veulent pas que cela se voie (ce qu'ils pensent). Leurs pensées, ils préfèrent les garder pour eux-mêmes. Pourquoi donc, me demanderas-tu? Simplement parce que la vie est déjà assez compliquée comme ça. Ils ont déjà bien assez d'ennuis. Tout ce qu'ils voient, donc, ils font semblant de ne pas le voir. Ils prennent des airs absents, feignent d'avoir l'esprit ailleurs. Ils ont l'oeil vide, un peu comme ces jolies filles qui se savent regardées mais ne veulent pas rendre leur regard aux hommes qui les regardent. Et leur regard se perd ainsi dans le lointain. Comme aussi certains snobs quand ils vous croisent dans la rue, mais ne veulent pas donner l'impression de vous connaître (car, à leur goût, vous n'êtes pas assez haut placé dans l'échelle sociale). C'est très bien décrit chez Proust. Mais ils voient tout cela très bien. Je dis bien, tout. Le voient, et même l'enregistrent avec un soin particulier. Ils n'ont guère besoin pour cela de banques de données, leur propre cerveau leur en tient lieu. Ils retiennent tout: noms, lieux, dates, etc. Et le jour venu...