10/15/2006
Au-delà du bien et du mal
Il est difficile de parler du mal, dit le Métaphysicien. Serais-tu d'accord pour dire que, contrairement à "Satan", le Grand Inquisiteur fait croire à l'humanité qu'elle est au-delà du bien et du mal? C'est un thème chrétien, dit l'Auteur. Paul dit que nous sommes passés du règne de la loi à celui de la grâce. En ce sens, il se situe au-delà du bien et du mal. On pourrait en dire autant du Christ. Lui aussi est au-delà du bien et du mal. Que nous obéissions ou non à la loi, nous sommes tous pécheurs. Tous pécheurs, donc aussi, dirait-il, tous tributaire de la grâce pour échapper au péché. D'une manière générale, le Christ critique les gens assis sur leurs principes. Il en appelle à l'esprit contre la lettre, etc. Le Grand Inquisiteur reprend ce discours à son compte, mais pour en subvertir le sens. Quand il fait croire à l'humanité qu'elle est au-delà du bien et du mal, il n'en appelle pas à l'esprit contre la lettre, ce n'est pas du tout ça sa préoccupation. Sa préoccupation est tout autre: il veut se faire reconnaître le droit d'agir comme bon lui semble. Sa pensée est celle de Kirilov dans les Possédés: "Si Dieu n'existe pas, tout est permis". Bref, le Grand Inquisiteur n'est en aucune manière contre la loi, il est tout à fait pour. Mais il veut en déterminer lui-même le contenu ("fiat pro ratione voluntas").