Ce qu'il y a de bien dans ce pays, c'est que la langue, assez souvent, leur fourche, dit l'Auditrice. On sait par là même aussi très vite à qui l'on a affaire. Madame dirige une émission qu'elle appelle littéraire. Et donc, l'autre jour, on l'entend dire : "A-t-on le droit d'écrire quand on a les idées de la droite populiste, pour ne pas dire pire ?"(1). C'était peut-être prémédité, c'est possible. Mais je ne le pense pas. Le plus probable, c'est que c'est sorti comme ça: tout seul. Le retour du refoulé, quoi. Je me crois libérale, tolérante, je défends l'Autre avec un grand A, la société ouverte contre ses ennemis (Karl Popper), en fait, comme je le prouve, je suis prête à restaurer l'Inquisition ("pour ne pas dire pire"). Je déteste les ..., les ..., mais allez savoir pourquoi, je fonctionne exactement comme eux. En fait non, pas "exactement" : beaucoup mieux encore, puisque je ne le sais pas. C'est toujours un plus, ça: ne pas le savoir. Ne pas savoir qui l'on est. La bonne conscience des gens de bien. Sauf, justement, comme maintenant, quand la langue me fourche. Car là, effectivement, je sais qui je suis. La réalité m'explose même à la figure. On pourrait aussi, à l'inverse, parler de projection. Je projette sur l'autre toutes sortes de choses horribles ("nauséabondes"), plus jamais ça, etc.: or, quand je me regarde un peu dans la glace, je me rends compte qu'elles résident surtout en moi : dans ma petite bulle boboïsée, n'est-ce pas. Mais j'ai désappris depuis longtemps à me regarder dans la glace.
(1) 15 mars 2017.