4/04/2016

Trop pénible

Tenez, dit l'Ethnologue, c'est dans Guerre et paix: "L'approche de l'ennemi ne rendit pas les Moscovites plus sérieux, bien au contraire. Il en va toujours ainsi devant l'imminence d'une catastrophe. Deux voix également fortes s'élèvent alors dans l'âme: l'une conseille sagement de se rendre compte du péril et de chercher les moyens d'y parer; l'autre, plus sagement encore, dit qu'il est trop pénible de penser au danger, que l'homme ne saurait tout prévoir ni échapper à la marche des événements, et qu'il vaut mieux écarter toute pensée fâcheuse devant le fait accompli. Dans la solitude, l'homme obéit généralement à la première de ces voix; en société, au contraire, il se soumet à la seconde. Et voilà pourquoi on ne s'était jamais tant amusé à Moscou que cette année-là"*. Tu trouves que les gens, aujourd'hui, s'amusent, dit l'Ecolière? J'interprète ta question, dit l'Ethnologue. Tu penses, avec raison, que leurs jeux sont stupides. Et donc tu penses qu'ils ne s'amusent pas. Là, tu te trompes. Ils s'amusent au contraire beaucoup. Il ne faut pas surévaluer ses contemporains.

* Tolstoï, Guerre et paix, Pléiade, p. 974.