7/25/2015

Répéter

Le Rapport du Grütli, ça te dit quelque chose, dit l'Ecolière? Un peu dit, l'Avocate*. Le 25 juin 1940, le commandant en chef de l'armée suisse, Henri Guisan, convoqua au Grütli (l'endroit, en 1291, où fut créée la Confédération helvétique) l'ensemble du corps des officiers jusqu'au niveau de chef de bataillon. Il voulait leur remonter le moral, les inciter aussi à la résistance. Il leur annonça par ailleurs la création d'un Réduit national dans les Alpes. Pourquoi cette question? On pourrait répéter aujourd'hui l'exercice, dit l'Ecolière. Ne crois-tu pas? On peut tout imaginer, dit l'Avocate. Mais ça non. Ce n'est même pas imaginable. Et pourquoi donc, dit l'Ecolière? Parce que, comme on te l'a souvent déjà expliqué, toute espèce de résistance, quelle qu'elle soit, est aujourd'hui assimilée à un délit, voire à un crime, dit l'Avocate. C'est l'attitude inverse, aujourd'hui, qui est encouragée, en certains lieux, même, rendue obligatoire: collaborer, se soumettre, pactiser avec l'envahisseur, etc. En répétant donc l'exercice, tu te mettrais en infraction avec la loi. Tu aurais contre toi à la fois la loi et les représentants de la loi. Il faut y penser quand on fait certaines comparaisons. Guisan, lui, n'était en aucune manière dans l'illégalité. Il avait pour lui la loi et les représentants de la loi. Quelque part, cela lui facilitait la tâche. Et si un jour il n'y avait plus de loi, dit l'Ecolière? Si tout soudain la loi s'effondrait? La loi et le reste? Les représentants de la loi? Ne me dis pas que c'est inimaginable. A chaque jour suffit sa peine, dit l'Avocate.

* Cf. Jean-Jacques Langendorf, Le général Guisan et le Rapport du Grütli: 25 juillet 1940, Infolio éditions, 2015.