3/21/2015

Etat de droit

L'autre jour, sur France Inter*, ils présentaient leur nouvelle loi sur le renseignement, dit l'Avocate. Au nombre des intervenants, un ex-membre des services spéciaux, qui entretemps s'est reconverti dans la "magistrature". Je ne sais plus si c'est lui ou un autre, mais à un moment donné quelqu'un a dit qu'il ne fallait pas accorder trop d'importance à cette loi, car ce qu'elle autorise**, à vrai dire justifie et même encourage, existe en fait déjà: c'est déjà une réalité. Au-delà du cynisme du propos (il faudrait y revenir), cet apparatchik recadre utilement le débat. Certains, citant Orwell (1984), tirent aujourd'hui la sonnette d'alarme en disant que le régime français serait en train de basculer dans le totalitarisme. En réalité, ce basculement a déjà eu lieu. Il y a belle lurette que la police secrète française, à l'instar de son homologue américaine, s'est outillée pour intercepter l'ensemble des communications électroniques en France, et ensuite les stocker dans des bases de données. Tout le monde, aujourd'hui, est sur écoute, et tout le monde le sait. Le Monde lui-même, il y a quelques années, avait consacré plusieurs articles à ce sujets (non démentis)***. Bref, en la matière, les dirigeants ont toujours fait ce qu'ils voulaient. Sauf que, jusqu'ici, ils étaient dans l'illégalité, alors que, maintenant, ils peuvent se revendiquer de l'état de droit. La loi s'étant ainsi alignée sur la pratique, tout ce qui jusqu'ici était illégal devient par là même légal. Mais c'est la seule nouveauté, il n'y en a pas d'autre. L'occasion ici de rappeler, ce qu'on oublie souvent, que le totalitarisme est parfaitement compatible avec l'état de droit. Le régime stalinien en est un exemple (relisez Soljénitsyne), mais aussi le régime nazi (relisez Hannah Arendt).

* 18 mars 2015.
** Détails dans le Figaro, 17 mars 2015 (p. 2-3).
*** 5 juillet 2013, 21 mars 2014, 22 mars 2014, etc.