8/20/2006
Indemnités
Tout le monde, naturellement, était au courant, dit l'Auditrice, mais personne n'osait intervenir. Les rapports dormaient au fond des tiroirs, tiroirs, eux-mêmes, qui étaient fermés à double tour. Lorsqu'un scandale éclatait, ce n'était jamais le coupable qu'on sanctionnait, mais toujours, bien évidemment, celui qui l'avait fait éclater, un contrôleur trop zélé par exemple. Et donc les grosses légumes s'en donnaient à coeur joie, elles faisaient plus ou moins ce qu'elles voulaient. Seulement voilà, les temps ont changé. Pour une fois le contrôleur ne s'est pas laissé faire, il a porté l'affaire en justice. Et là, ô miracle, la justice lui a donné raison. Absolument. Certes, il n'a pas été réintégré dans ses fonctions, il ne faut pas rêver. Mais il a quand même reçu des indemnités. Assez fortes, même. Les grosses légumes ont mis plusieurs mois à s'en remettre. Il y a mieux encore, Zède lui-même vient d'être mis sous enquête. Tu te rends compte, Zède! Et l'adjoint de Zède, Zède bis. C'est le monde à l'envers. Zède n'a toujours pas compris ce qui lui était arrivé, les autres non plus d'ailleurs. Certains se sont faits mettre en congé-maladie. D'autres, encore sous le choc, ont pris une retraite anticipée. Moi-même je m'étonne. Je cherche une explication. L'explication est simple, dit le Sceptique: les caisses, aujourd'hui, sont vides. Autrefois, en pareille situation, la solution était toute simple, on augmentait les impôts. Mais les impôts ont aujourd'hui atteint un niveau tel qu'on ne peut justement plus les augmenter (sauf peut-être pour les catégories les plus élevées de revenus, mais là tu te heurtes à d'autres difficultés). La situation des contrôleurs s'en trouve par là même confortée. Comme on a besoin d'eux, on est obligé de les ménager.