12/19/2024

Dérives

C'était tout à l'heure sur ..., dit l'Auditrice: une de tes consoeurs, soit dit en passant. De ces activistes qui, surfant sur la vindicte publique, réclament aujourd'hui des têtes, elle a dit qu'ils pourraient très bien, l'occasion aidant, se transformer eux-mêmes en violeurs. Ils en ont tout à fait le profil. Et vlan! Des semaines durant, tout au long de ce procès-spectacle, ils avaient délayé sur les stéréotypes de genre, la domination patriarcale, les violences sexistes et sexuelles, etc. Et voilà qu'on leur dit que cela fonctionne aussi dans l'autre sens. C'est dur avaler. D'autant qu'eux non plus ne sont pas blancs comme neige. La vindicte publique est quelque chose qui se construit. Bref, les contraires passent l'un dans l'autre. On peut le dire, dit l'Avocate. Personnellement, ce n'est pas ce que je dirais. Comme en toute guerre, chacun fait la loi de l'autre. On est plutôt sur ce registre-là, me semble-t-il. Ces Schauprozesse eux-mêmes en sont la preuve. Et donc ce n'est pas simplement du pareil au même. On est dans un processus. Ne pas oublier non plus les petits chéris. Action, réaction, contre-réaction, l'histoire nous réserve encore quelques surprises. Et la parabole de la paille et de la poutre, dit l'Ecolière? Comme tu le remarques, c'est asymétrique, dit l'Avocate: d'un côté la paille, de l'autre la poutre. On pourrait aussi parler de projection, dit la Lectrice. Ils projettent sur d'autres, ceux d'en face, leurs propres pulsions mortifères. On peut aussi prendre le problème comme ça, dit l'Avocate.

12/14/2024

Par principe

En Algérie, comme tu le sais, ils viennent d'arrêter un écrivain, dit le Visiteur: il s'appelle Boualem Sansal et il a été arrêté pour "atteinte à l'intégrité du territoire national". En Suisse aussi, il y a quelque temps, on a coffré un écrivain, mais pas pour atteinte à l'intégrité du territoire national: pour infraction aux nouvelles lois LGBT. Ce qui est intéressant ce n'est pas qu'en Suisse comme en Algérie, ils mettent les écrivains en prison: ce qui est intéressant ce sont les réactions à ce sujet. En Algérie, un journal a écrit: "Une vérité fondamentale doit primer: aucun écrivain ne devrait être emprisonné pour ses mots ou ses idées. Le cas Boualem Sansal pose une question universelle et esentielle: celle de la liberté d'exprimer, de critiquer, de remettre en cause. Soutenir Sansal, c'est défendre le droit de penser et de créer librement, un fondement indispensable à toute société démocratique et équitable" (cité in Courrier international, No 1779 du 5 au 11 décembre 2024, p. 7). Voilà ce qu'on a pu lire dans ce journal. A ma connaissance, il ne s'est trouvé aucun journaliste en Suisse pour dire qu'il était inacceptable d'emprisonner un écrivain pour ses mots ou ses idées. Soit les médias suisses ont donné l'info sans la commenter, soit, carrément, ils ont félicité les juges pour leur décision. Le Sud global n'est assurément ni plus tolérant ni plus respectueux des libertés fondamentales que l'Occident global. En revanche, il y a encore dans le Sud global des gens qui ont le courage de critiquer l'Etat total, ce qui n'est plus le cas depuis longtemps dans un pays comme la Suisse. On ne peut même plus ici parler de servitude volontaire. Quand on parle de servitude volontaire, on part de l'idée que les gens choisissent de se soumettre. Là ils ne choisissent rien. Cela se fait tout seul.

12/08/2024

Même truquées

Je me résume, dit le Double : censure, désinformation en continu, pluralisme pour rire, système électoral biaisé, opposants traités en parias ou en ennemis de l'intérieur, quand ils ne sont pas purement et simplement déclarés inéligibles, on est maintenant habitué à ces choses. Sauf qu'ils n'étaient jamais allés aussi loin: concrètement jusqu'à annuler une élection. Je parle de ce qui vient de se passer en Roumanie. En principe, le travail se fait en amont, plutôt bien d'ailleurs, il faut le reconnaître. Ils ont acquis un certain savoir-faire en la matière. En témoigne l'énumération qui précède (elle n'est d'ailleurs pas exhaustive). Mais le mieux est parfois l'ennemi du bien. On veut parfois faire trop bien les choses. Apparemment c'est ce qui s'est passé. Même truquées, les élections n'ont pas donné le résultat escompté. Elles ont donc été annulées. Il y a un équivalent, dit l'Avocate. En Slovaquie, juste à côté, ils ont essayé d'assassiner le Premier ministre pro-russe. C'était au printemps dernier. Là non plus les électeurs n'avaient pas voté comme l'... et l'... avaient exigé qu'ils le fassent. Il a failli y passer. Et chez nous, dit le Nourrisson? Tout le monde est au garde-à-vous, dit l'Avocate. Ils n'ont donc pas besoin d'annuler les élections. Encore moins d'assassiner des Premiers ministres. Mais les intéressés savent aussi très bien ce qu'ils risquent s'ils s'écartent du droit chemin. Les simples ministres aussi d'ailleurs. Et les autres.