3/28/2022

Les réinventer

Ce sont cinq membres d'une même famille, dit l'Ecolière. Ils se seraient défénestrés depuis le 7ème étage de leur immeuble. Quatre sont morts, le cinquième a survécu. Juste auparavant, très tôt le matin, la police était passée chez eux. Mais on ne lui avait pas ouvert la porte. Soi-disant. Pourquoi cette visite, dit le Colonel ? Officiellement, un problème d'école à la maison, dit l'Ecolière. A priori c'est plausible, dit le Colonel. L'Etat total n'aime pas trop l'école à la maison. Ils voudraient bien qu'il y en ait le moins possible, à la limite même plus du tout. C'est un espace qui leur échappe. On ne peut pas à la fois lutter contre les stéréotypes de genre et maintenir l'école à la maison. C'est un souci qu'on peut comprendre. Ils recourent donc aux grands moyens. Débarquer chez les gens au petit matin, cela fait partie des grands moyens. Sauf qu'il y a des morts, dit l'Ecolière. Je vois bien ce que tu penses, dit le Colonel. Trois remarques. 1) Il n'en faut pas beaucoup aujourd'hui pour pousser les gens au désespoir. 2) Le harcèlement judiciaire n'est pas un vain mot. 3) Il y a peut-être ici un arrière-plan. Ou peut-être non. De toutes les manières, les différents plans ont aujourd'hui tendance à s'entremêler. Les mots même qu'on utilise basculent les uns dans les autres: dans l'expression "criminalité policière" par exemple. Quant aux défénestrations, comme tu le sais, c'est le mode opératoire habituel des services spéciaux. Moralité, dit l'Ecolière? Nous ne vivons plus aujourd'hui comme nous vivions autrefois, dit le Colonel. L'époque n'est plus la même. Tu vois ce qui se passe à l'heure actuelle dans le monde. Il faut en tirer les conséquences. Il y a un certain nombre de choses qu'on ne peut plus faire. Ou alors il faut les réinventer. Cela vaut aussi pour l'école à la maison. Il y a des précédents: les écoles clandestines en Europe de l'Est à l'époque soviétique par exemple. Il faut regarder dans cette direction.