Tiens, regarde, dit l'Ecolière. On est vraiment en 1984. Je parle de ces affiches. Question bête: dans le roman d'Orwell, 1984, les personnages ont-ils conscience de l'être, en 1984 ? Tu dis qu'on est en 1984, dit l'Avocate. En fait, on est très au-delà. Les gens en ont-ils conscience? Tu donnes toi-même la réponse. De quoi les gens ont-ils aujourd'hui encore conscience? L'Etat incite à la délation, dit l'Ecolière. Appelez tel numéro, écrivez à telle adresse, etc. On n'avait plus vu cela depuis Vichy. N'exagérons rien, dit l'Avocate. L'Etat en a toujours appelé à la délation. Autrement, comment fonctionnerait-il? Simplement, à certaines époques, il se fait plus insistant. Juste un chiffre, dit l'Ecolière. Entre 1940 et 1944, les autorités d'occupation ont reçu plus d'un million de lettres de dénonciation. Ernst Jünger en parle dans son Journal. Il dit son écoeurement. Les gens, effectivement, hommes ou femmes, aiment bien dénoncer leur prochain, dit l'Avocate. C'est un vieux réflexe. Un million, dis-tu? C'était avant le numérique. On devrait, cette fois, facilement atteindre les dix, voire les cinquante millions. En somme, si l'on te suit bien, non seulement les gens n'ont pas conscience d'être entrés dans une nouvelle ère totalitaire, mais s'ils en avaient conscience, ils approuveraient ce qui se passe, dit l'Ecolière. Tu en doutes un seul instant, dit l'Avocate?