6/18/2015

D'ailleurs

D'ordinaire, quand on parle de déchristianisation, on pense aux églises qui se vident, dit l'Ethnologue. Il faut distinguer. Les églises qui se vident sont une chose, la déchristianisation une autre. Le christianisme peut, en fait, très bien se passer des églises (comme réciproquement, d'ailleurs, les églises du christianisme). J'entends, il est vrai, le mot christianisme au sens large. Il enveloppe la decency orwellienne, qui n'est elle-même que l'autre nom de la civilisation. Prenez par exemple le cinéma occidental. Il n'a évidemment plus rien aujourd'hui de chrétien. Mais plus rien non plus, à vrai dire, d'humain. C'est un cinéma, si l'on y réfléchit, complètement déshumanisé (comme l'est, d'ailleurs, la société occidentale elle-même, qu'il reflète, en ce sens, fidèlement). L'hyper-violence qui l'imprègne traduit bien cette déshumanisation. C'en est l'expression métaphorique. On s'en rend compte aussi lorsqu'on le compare au cinéma venu d'ailleurs. Je pense en particulier à deux films iraniens récemment sortis en salle: Taxi Téhéran* et Une femme iranienne**. Ces films disent des choses qu'aucun réalisateur occidental n'oserait plus dire aujourd'hui, ne serait-ce que par fausse honte. On en reste la bouche ouverte. Ils réinventent la civilisation. Les églises vont sans doute un jour disparaître, c'est ce que je pense. Mais le christianisme lui-même, me semble-t-il, non. L'esprit souffle où il veut.

* Film de Jafar Panahi, 2015.
** Film de Negar Azarbay Jani, 2015.