4/01/2012

Divisés

Tout ce que je vois m'attriste fort, dit l'Anachorète. L'eût-on, autrefois, seulement imaginé. Mais je parle pour moi. Eux-mêmes n'ont pas l'air de trop s'en faire. "Be happy", pour reprendre le titre d'un film récent. "Happy", c'est peut-être aller trop loin. Apathiques, plutôt. Détachés. On dirait des somnambules, ils errent au bord du vide. Allez, on les pousse? Ils se frôlent sans se voir, vaquent mécaniquement à leurs occupations. On est en-deçà même de la résignation, car quand on se résigne, au moins sait-on à quoi l'on se résigne. Eux, de toute évidence, non. Ils s'adaptent, suivent le mouvement. Les psychotropes les y aident. En permanence, ils papotent sur leur portable, racontent leur vie. Ou alors s'attrapent avec leur conjoint: comme c'est intéressant. S'indignent aussi, bien sûr. Bref, je laisse les choses se faire. "Compté, pesé, divisé", comme dit l'Ecriture. Ils seront divisés, autrement dit, littéralement, coupés en petits morceaux. A l'aube, on ramassera les restes. Soit, dit le Cuisinier. Mais il faut être patient. Ce n'est pas demain la veille. Entre le début de la fin, la phase actuelle, et la phase réellement finale, la fin de la fin, il peut s'écouler encore un bout de temps.