10/07/2007
Paradoxe
Autrefois, dit le Double, les églises étaient pleines, mais on s'y ennuyait ferme. Aujourd'hui, c'est presque le contraire. On s'y ennuie assurément moins qu'autrefois, mais elles sont vides. L'ennui est une notion subjective, dit le Sceptique. Ce que tu considères, toi, comme ennuyeux, ne l'est pas forcément aux yeux des autres. Et inversement. Il faut aussi tenir compte des effets d'entraînement, dit l'Ethnologue. Si les églises aujourd'hui sont vides, c'est pour les mêmes raisons exactement qu'autrefois elles étaient pleines. Les gens n'aiment pas trop se singulariser, ils suivent le courant dominant. Par là même aussi ils contribuent à le renforcer. Ils trouveraient aujourd'hui bizarre d'aller à l'église, alors que personne n'y va. Et donc, effectivement, personne n'y va. C'est comme ça. Mais il y a des exceptions, dit le Double. Certains continuent d'aller à l'église, ou encore, moi par exemple, y vont, alors qu'auparavant ils n'y allaient pas. Sur 100 personnes, il y en a toujours 5 qui ne font pas comme tout le monde, dit l'Ethnologue. Les autres font comme tout le monde. Comme tout le monde, à l'exception, justement, des 5 en question. Soit, dit le Double, mais le paradoxe reste entier. Le christianisme, aujourd'hui, se porte plutôt bien. Mieux en tout cas, me semble-t-il, qu'il y a 100, 200 ou 500 ans. Les études bibliques se sont largement renouvelées ces dernières décennies. On connaît incomparablement mieux la Bible que ce n'était le cas autrefois. La pensée théologique elle-même s'est affranchie d'un certain nombre de carcans. Elle est devenue moins répétitive. Plus fondamentalement encore, on s'est remis à l'écoute du texte. Et le texte lui-même est redevenu parlant. Parlant, et par conséquent aussi vivant. On s'attendrait donc à ce que les églises soient combles. Or il n'en est rien. Tu confonds le destin du christianisme avec celui de la chrétienté, dit l'Auteur. Ces deux destins évoluent en sens inverse l'un de l'autre. Quand le christianisme va bien, la chrétienté va mal, et vice-versa. Effectivement, comme tu le dis, le christianisme se porte plutôt bien aujourd'hui. Il est donc normal que les églises se vident.